• Quand le vent décide : l’influence majeure des courant d’air sur la santé du raisin au Pallet

    10 juin 2025

Pourquoi s’intéresser au vent dans la vigne ?

Ici, au Pallet, le vent fait partie du décor. On le sent sur le visage au lever du jour, il joue avec les feuillages, il sèche les flaques après la pluie – souvent, on lui doit nos caprices météorologiques, parfois nos soucis, bien souvent nos coups de chance. Mais qu’on ne s’y trompe pas : le vent n’est pas qu’un figurant qui siffle entre les rangs de Melon de Bourgogne. Il est un acteur silencieux de la santé de la vigne, et surtout des grappes. Alors, se demander si les vents jouent un rôle sur la qualité sanitaire des raisins, c’est, pour nous, toucher un vrai sujet de terrain, loin des concepts abstraits.

Certains terroirs célèbrent le soleil ou la brume, ici on parle parfois de nos fameux « courants d’air ». Scepticisme de rigueur ? Pourtant, la vigne ne pousse bien que là où l’équilibre entre humidité, ventilation et chaleur permet d’éviter bon nombre de tracas. Passons en revue l’effet concret des vents sur notre parcelle de vignerons du Pallet.

Petit rappel : d’où viennent les vents, et comment circulent-ils au Pallet ?

Le vignoble nantais n’a rien à voir avec la vallée du Rhône et son mistral à décorner les bœufs, mais les brises y sont bien plus qu’une simple anecdote météorologique. L’influence océanique se fait sentir dans chaque recoin du Pallet. On distingue principalement :

  • Vent d’ouest (Atlantique) : humide, souvent doux, il arrive chargé d’air salin et de fraîcheur en été.
  • Vent de nord-est (continental) : plus sec, rafraîchit les nuits et limite l'exploitation de certaines maladies en fin d’été.
  • Brises locales : générées par la topographie (coteaux, vallons de la Sèvre et de la Maine).

D’après le réseau Météo-France, la région enregistre en moyenne une trentaine de jours par an de vents supérieurs à 50 km/h, et ce n’est pas rien pour une zone aussi modérée. Ces vents ne se contentent pas d’agiter les échalas : ils modèlent la vie de la vigne, surtout quand l’été bascule sur des périodes humides ou orageuses.

Maladies cryptogamiques : la puissance du vent comme outil sanitaire naturel

Quand on parle de « qualité sanitaire », c’est d’abord à la lutte contre les maladies que l’on pense. Ici, deux noms reviennent en boucle : le mildiou et le botrytis. Dans ces deux cas, le vent est plus soutien qu’adversaire.

Le vent, allié naturel contre le mildiou

  • Mildiou : Cette maladie adorée des périodes humides (notamment en juin-juillet) se développe avec force lorsque l’humidité stagne sur les tissus verts. Mais lorsque le vent souffle après la pluie, l’humidité s’évapore plus vite, séchant les feuilles et rendant l’installation du champignon plus difficile.
  • Chiffres à l’appui : Selon l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV), une vitesse moyenne de vent de 15 à 20 km/h permet de réduire de 30% l’humidité résiduelle sur la végétation, baissant d’autant le risque infectieux.

Réduire le botrytis : quand la grappe respire mieux

  • Botrytis cinerea (pourriture grise) : Fléau des raisins mûrs, surtout si l’été tourne à l’orage ou si l’automne tarde à être sec. Le vent permet de sécher rapidement la rosée matinale, limitant ainsi les plages d’humidité dont raffole le champignon.
  • Exemple concret : Au Pallet, en 2014 – année jugée « compliquée » côté météo – les secteurs bien exposés au vent ont connu des pertes de rendement par botrytis deux fois moindres, d’après les observations réseau ECOVITI de Loire-Atlantique.

Dans la pratique, lors de nos tours de parcelles, la différence se voit : à exposition identique, mais plus ventée, la grappe est plus nette, la pruine tient mieux, et les baies restent fermes plus longtemps.

Vent et microclimats : la circulation de l’air façonne le paysage sanitaire

Au-delà de la simple evaporation, le vent façonne des microclimats à l’échelle d’une haie, d’un muret, ou même d’un alignement d’échalas.

  • Les parcelles bordées de haies : Moins exposées, elles favorisent souvent des poches d’humidité persistante, parfois problématiques.
  • Les plateaux ouverts : Là où le vent circule librement, le bois mûrit différemment, les maladies se développent moins vite, mais la vigne peut aussi subir plus de stress.

Un article de Terre de Vins sur les crus du Muscadet souligne que certaines zones, dites « à grand vent », sont plus épargnées par la pression sanitaire, obligeant parfois à réfléchir autrement sur l’emplacement ou le palissage.

Décision de viticulteur : tailler, ébourgeonner, mais aussi « aérer »

  • L’orientation des rangs influe sur la prise au vent.
  • Ébourgeonnage et effeuillage sont souvent adaptés à l’exposition, pour favoriser la circulation d’air, surtout sur années humides.

Une anecdote du Pallet : sur deux parcelles semblables plantées la même année, celle alignée nord-ouest/sud-est, plus exposée au vent dominant, présentait fin août 2021 un taux d’attaque de botrytis inférieur de 40% à sa voisine (source interne, groupement local de vignerons).

Vent et maturité : quand l’air façonne la grappe jusque dans l’arôme

La qualité sanitaire, ce n’est pas tout. Les effets du vent se répercutent sur la maturité. Une grappe saine mûrit différemment si le vent souffle… ou pas.

  • Sécheresse physiologique : Un vent persistant assèche la peau du raisin. Dans certains millésimes, si le vent devient chaud et sec au moment de la véraison, la baie peut se ratatiner, parfois au détriment des rendements, mais aussi gagner en concentration aromatique.
  • Maîtrise des densités : Sur une décennie (2010-2020), la zone du Pallet a connu cinq années où, grâce à une belle alternance soleil-vent, la pression fongique a été historiquement basse et les densités de raisins saines, permettant des vendanges sans course contre la montre (source : réseau La Coopération Agricole Loire).

Le revers, c’est que le vent aggrave parfois les effets de déficit hydrique en été : la vigne ralentit, la baie reste dure. Toute la subtilité, pour le vigneron, c’est de jouer avec – tailler, protéger, adapter les pratiques.

Risques, limites, et nouvelles approches

Tout n’est pas rose. Un vent excessif ne rime pas toujours avec santé parfaite.

  • Phénomènes d’abrasion : En juin 2019, un vent d’ouest continu à plus de 60 km/h a abîmé en surface certaines baies exposées, favorisant ensuite des zones d’entrée pour le mildiou (observation IFV Loire-Atlantique).
  • Perte de traitements : Sous vent fort, l’efficacité des traitements phytosanitaires se réduit, ce qui demande de retravailler les plages d’intervention. Selon l’IFV, jusqu’à 25% du produit peut être disséminé hors cible à partir de 20 km/h de vent.

Notons que le vent façonne aussi la structure des vignes en hiver : sur une coupe ancienne du Pallet, les vignes proches des croupes exposées présentent souvent du bois plus court, un système racinaire plus profond, et une évolution différente de la maturité.

Quels outils pour mesurer et tirer profit du vent au Pallet ?

  • Sondes et stations météo connectées : Devenues incontournables sur certaines exploitations, elles permettent d’anticiper les périodes à risque (vent faible/humidité stagnante, ou vent fort/sécheresse anticipée).
  • Observation directe : Aucun équipement ne remplace le regard du vigneron, surtout pour repérer les zones d’accumulation d’humidité ou de stress éolien.

Certains se sont même mis à utiliser des filets brise-vent sur les jeunes plantations particulièrement exposées, réduisant le risque d’abrasion et permettant une reprise homogène.

Les travaux sur la circulation de l’air et la gestion du climat de parcelle sont désormais intégrés dans les réflexions des nouveaux projets d’implantation (AUDV, association des vignerons de Nantes).

Plus que jamais, le vent comme allié… à dompter

Dans la vie du vignoble du Pallet, le vent est à la fois compagnon et facteur à surveiller. Il peut sécher les larmes du matin, balayer le mildiou, ralentir le botrytis, aider à mûrir un raisin net, mais il ne se laisse pas dompter aussi facilement. La qualité sanitaire des raisins, ici, se cultive aussi dans la finesse d’interprétation de chaque brise, de chaque vent d’ouest qui remonte la vallée.

Le métier de vigneron, c’est aussi ça : savoir lire le ciel, écouter le souffle qui traverse la parcelle, admettre qu’on ne maîtrise jamais tout, mais qu’on peut, par quelques gestes, transformer un simple courant d’air en véritable allié de la vigne et du raisin.

Sources principales : IFV, Météo-France, ECOVITI, Terres de Vins, Association des Vignerons de Nantes, observations collectives 2014-2022.


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