• La résilience des vignes du Pallet face au phylloxéra et aux guerres

    5 mai 2025

Le fléau du phylloxéra : un coup historique porté à la vigne

Dans le vignoble nantais comme partout en France, le phylloxéra a été un cataclysme. Cette petite bête, arrivée d’Amérique dans les années 1860, a fait des ravages, détruisant les ceps à une vitesse impressionnante. Les sols du Pallet, pourtant variés - entre gneiss, micaschistes et roches volcaniques -, n’étaient pas épargnés. En quelques années, c’est tout un mode de vie qu’on voyait menacé. Les archives locales mentionnent une production effondrée dans les décennies suivantes.

Des solutions bien tardives

Les premières tentatives pour contrer le phylloxéra furent souvent désespérées. On essaie tout : inonder les parcelles, planter d’autres variétés, arroser au sulfure de carbone... Rien n’y fait. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle qu’une solution durable émerge : le greffage. Les cépages locaux sont alors greffés sur des porte-greffes résistants, eux aussi venus d’Amérique. C’est une révolution, mais elle a un prix. Non seulement financier, car tout le vignoble doit être replanté, mais aussi émotionnel : accepter que nos vignes ancestrales ne soient plus les mêmes qu’avant. Au Pallet, comme partout, il faut repenser son rapport à la terre.

  • Années 1870-1880 : introduction des porte-greffes américains dans le vignoble nantais.
  • Déclin de cépages locaux moins résistants comme la folle blanche.
  • Développement massif du melon de Bourgogne, qui deviendra la base du muscadet.

Le renouveau d’un terroir

Ce drame a paradoxalement contribué à redéfinir le vignoble. La crise nous a appris à mieux comprendre nos sols, à tester des méthodes de culture nouvelles et à anticiper les coups durs. Au Pallet, on a introduit ces fameux porte-greffes, mais aussi rationalisé l’utilisation des terres, concentrant les efforts sur des parcelles où la vigne pouvait exprimer tout son potentiel. Ce n’est pas rien de dire que la qualité du muscadet d’aujourd’hui est un héritage direct de ces choix faits en pleine crise.

Les guerres mondiales : des vignes au combat

Si le phylloxéra attaquait les ceps, les guerres ont heurté les cœurs et les bras. À chaque conflit, ce sont les vignerons en âge de travailler qui quittent leur terre. Et ce n’est sûrement pas un hasard si certains ont comparé la saignée humaine de 14-18 à une sorte de phylloxéra national.

La première guerre mondiale : l’absence des hommes

Entre 1914 et 1918, ce sont des fils, des frères et des maris qui désertent les champs pour monter au front. Au Pallet, comme ailleurs, les femmes jouent alors un rôle clé pour maintenir les exploitations à flot. Les outils se font parfois rudimentaires, les parcelles laissées à l’abandon faute de main-d’œuvre. Pourtant, et malgré la douleur des pertes humaines - avec près de 1,5 million de morts en France, chaque village a son lot de noms gravés sur les monuments aux morts -, les vignobles survivent. Certains disent même que le vin qui continue d’être produit pendant ces années vient « du courage autant que de la vigne ».

La seconde guerre mondiale : entre restrictions et marché noir

Les années 1939-1945 apportent leur lot de tensions. Les Allemands s’installent dans la région, imposant des quotas, réquisitionnant parfois des bouteilles ou des récoltes. Mais ici, les vignerons du Pallet savent aussi se montrer débrouillards. Certaines familles cachent des barriques, d’autres troquent le vin au marché noir pour obtenir de quoi subsister. Et puis, il y a ces anecdotes si humaines : un vin partagé en cachette, une cuvée discrètement élevée pour des jours meilleurs.

Le retour à la paix : reconstruire une viticulture

Après 1945, tout est à refaire. Pas seulement dans les vignes, mais aussi dans les esprits. On s’organise en coopératives pour mutualiser les efforts, on investit dans des outils modernes pour aller plus vite, on se relève, tout simplement. Des décisions courageuses sont prises, comme celle de viser une meilleure qualité, quitte à réduire les volumes. C’est encore une fois ce lien avec la terre qui pousse tout le monde à repartir, à ne pas abandonner.

Et aujourd’hui, quel héritage ?

On ne cultive pas la vigne au Pallet en oubliant ce qu’elle a traversé. Chaque crise a laissé quelque chose : des connaissances, des valeurs, une idée de ce qu’il faut faire pour que cette tradition ne s’éteigne jamais. Aujourd’hui, nous avons hérité d’un terroir résilient, mais aussi d’une responsabilité : celle de le préserver pour ceux qui viendront après nous. Alors, quand on se plaint d’une saison difficile ou qu’on doute de ce qu’on fait, il suffit de repenser à nos ancêtres. Ils n’ont jamais baissé les bras, même quand tout semblait perdu.

Et si jamais, un jour, vous passez dans le coin, au détour d’un chai ou d’une rangée bien taillée, dites-vous que sous ces ceps, il y a plus qu’un raisin : il y a une histoire de persévérance et de passion.


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